mercredi 12 novembre 2008

L’Intelligence de l’explication de texte



Voici ce que j’écrivais dans l’avant-propos de ce livre, paru en 2005 chez Ellipses :

« L’analyse des textes demeure un exercice fondamental de l’enseignement du français. Qu’on la nomme explication linéaire ou commentaire composé, étude suivie ou lecture méthodique, elle a pour objet essentiel la formation de l’esprit critique, c’est-à-dire à la fois :

- l’esprit d’analyse : l’aptitude à discerner les enjeux des textes, à percevoir la subtilité de leurs moyens d’expression, à interpréter le discours en sachant déjouer les pièges du langage – toutes choses fort nécessaires aux citoyens qui fondent sur la conscience l’exercice de leur liberté ;

- la faculté d’admiration : l’art d’apprécier l’art, de s’étonner devant la puissance d’un imaginaire, de jouir de l’allégresse d’un style, de mesurer l’authenticité d’un message, de ressaisir à travers les œuvres qui nous précèdent l’héritage culturel qui nous constitue – au risque de donner l’envie d’écrire, car l’admiration mène à la création.
C’est naturellement à travers la pratique que s’acquiert l’intelligence de l’explication, qui à la fois éclaire les textes et en reçoit la lumière. Et cela ne s’improvise pas. »

Dans ce manuel, j’ai donc proposé une quarantaine de « clefs » pour aller au cœur des divers types de textes qui valent d’être expliqués, et rédigé trente modèles de commentaires, dont une analyse de la page puissamment ironique écrite par Montesquieu contre « L’esclavage des Nègres » (De l’esprit des Lois, XV, 5).

Or, je viens de découvrir, à ma stupéfaction, qu’il existe des critiques à courte vue qui prennent ce texte au premier degré, et font de Montesquieu un auteur raciste ! L’excellente notice sur Montesquieu, dans Wikipédia, renvoie justement à l’une de ces « interprétations », qui est aux antipodes de toute « intelligence du texte », et accuse Montesquieu d’avoir été actionnaire de la « Compagnie des Indes » (qui pratiquait la traite des Noirs), ce qui est faux.

Il semble plus gravement encore que ce type de « lecture », qui se veut « militante », s’inscrive dans une remise en cause générale des « Lumières » et de l’humanisme, qui sont pourtant les fondements même des « Droits de l’homme », c’est-à-dire de l’anti-racisme. Certes, on peut longuement juger du comportement réel qui fut celui des pays européens à l’époque des Lumières, mais à condition de ne pas se tromper de conclusion : si bon nombre d’Européens ont trahi les Lumières, c’est leur trahison qui doit être condamnée, et non pas les Lumières (au nom desquelles, justement, on peut porter ce jugement critique).

Tout ceci me conforte dans l’idée que, plus que jamais, le respect des mots et de leurs sens, la rigueur de l’analyse, la maîtrise des outils permettant d’interpréter les textes (la connaissance en particulier des figures de style), sont indispensables à qui veut, face à la tyrannie du médiatiquement correct, éviter de sombrer dans l’imbécillité barbare.

Dans un monde où la bêtise est virulente, il nous faut rendre l’intelligence contagieuse.
B. H.

vendredi 22 août 2008

Pascal : la démarche des Pensées en 4 points.


Quels que soient les éclairages qu’apportent les éditions successives des Pensées de Pascal, aucun classement ne permet d’établir le plan précis qu’eût adopté ce dernier s’il avait pu mener à bien son « Apologie de la religion chrétienne ». Mais si l’on ignore ce plan, la stratégie globale de l’auteur – esquissée dans la fameuse édition Brunschvicg – ne fait guère de doute. La démarche de Pascal consiste en effet, en partant des contradictions de la nature humaine, à montrer que seul le christianisme en donne une explication cohérente. En voici un bref résumé, ou plutôt un survol, à la demande de mon interlocuteur « Phénix ingénu », avec quelques citations (suivies de leur numéro dans l’édition Brunschvicg, pour un répérage plus commode) :

■ Première étape : Pascal décrit la misère, ou plutôt les misères de la condition humaine, jetée dans le cosmos et livrée à elle-même. Misère d’être plongé sans raison dans l’espace-temps : « Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. » (Pensée 72) ; « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. » (Pensée 206). D’où la disproportion qui rend cet univers inintelligible à la conscience humaine.

Mais la misère de l’homme est aussi dans les puissances trompeuses qui, à l’intérieur de lui-même, le rendent incapable de connaître la vérité :
- c’est L’AMOUR-PROPRE, qui pousse chacun à flatter les autres et à refuser de se voir tel qu’il est (« La nature de l’amour-propre et de ce moi humain est de n’aimer que soi et de ne considérer que soi », 100) ; d’où un mensonge social généralisé (« L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l’égard des autres », 100, – ce qui montre, s’il le fallait, combien « Le moi est haïssable », 455) ;
- c’est L’IMAGINATION, « C’est cette partie dominante dans l’homme, cette maîtresse d’erreur et de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours » (82), au point que les plus sages en sont les premières victimes (« Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu’il ne faut »… ne manquera pas de trembler comme un poltron, 82) ;
- c’est LA COUTUME, qui nous fait prendre pour notre nature de simples caractères acquis, si bien qu’on ne sait plus en quoi consiste notre essence.

Aussi trompeuses que soient ces facultés, elles ne sauraient pourtant nous masquer la « vanité » de notre être et de ses conduites (cf. la pensée sur « Le nez de Cléopâtre », dans notre précédent billet) et l’ennui poignant des jours qui nous mènent inexorablement au cimetière (« Le dernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste : on jette un peu terre sur la tête, et en voilà pour jamais », 210). Un rapide regard sur les hiérarchies sociales et la vanité des systèmes politiques, incapables de vérité et de justice, nous indique que nous ne pourrons guère trouver notre félicité dans l’organisation de la cité (« Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà », 294)

Que fait alors l’homme ? Il se « divertit ». Toutes ses entreprises, y compris les plus sérieuses, ne sont qu’un vaste divertissement, une « diversion » par laquelle il se cache sa condition tragique, au lieu de lui chercher un sens en se recueillant (« Tout le malheur de l’homme vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre », 139) Et cette fuite en avant amplifie son malheur.

■ Deuxième étape. Le tableau précédent pourrait conduire au suicide… sauf que Pascal n’en a pas fini avec son lecteur, qu’il suppose avide de vérité. Après l’avoir provisoirement « désespéré », il lui assène alors une nouvelle considération : l’homme est grand ! Et c’est la pensée qui fait sa grandeur (« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant »). Sommes-nous rassurés ? Pas du tout, car il faut trouver une cohérence à cette contradiction de notre nature : « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête » (358 ; il est à la fois l’un et l’autre). Le paradoxe est tel que c’est la conscience de sa misère qui fait la grandeur de l’être humain : « La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable […] Toutes ses misères-là prouvent sa grandeur. Ce sont misères de grand seigneur, misères d’un roi dépossédé » (397-398). Nous voilà bien avancés. Eh bien, dit justement Pascal, le mystère chrétien de la Chute originelle explique cette double nature de l’homme : il fut comme un roi au jardin d’Éden, puis il a été déchu de sa royauté par le péché. D’où son statut de roi dépossédé, – expression devenue célèbre. Que faire alors ?

■ Troisième étape. Pascal s’est jusqu’à présent servi de la seule raison humaine pour décrire les contradictions de l’homme (elle servira d’ailleurs aussi à montrer la cohérence du christianisme). Mais ce point établi, il faut dépasser la raison, car celle-ci conduit à son propre dépassement : "La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu'il y a une infinité de choses qui la surpassent; elle n'est que faible, si elle ne va pas jusqu'à connaître cela." (267) On n’accède en effet à la Vérité que par la foi, et cette foi ne s’obtient qu’à l’aide d’une autre faculté : le cœur. Le cœur, au-delà de ce que voient les yeux (connaissance sensible), au-delà de ce que comprend la raison (connaissance intelligible), est une sorte de tierce faculté, une intuition supérieure faite pour « saisir » la dimension spirituelle de notre Réalité, toute habitée de la présence de Dieu (cf. la Pensée 793, qui établit l’existence de « Trois Ordres »). « C’est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison. » (278). C’est le sens précis de la célèbre pensée : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » (277). Mais comment obtenir cette « foi », qui est « un don de Dieu », et non « un don du raisonnement » ? Il faut parier…

■ Quatrième étape. L’argument du pari . En l’absence de certitude sur l’existence de Dieu, on peut poser qu’il y a au moins Une chance qu’il existe, contre un grand nombre N de chances qu’il n’existe pas. Si l’on parie que Dieu existe et que l’on se comporte selon les exigences éthiques du christianisme, on a donc une chance de gagner la vie éternelle (c’est-à-dire une infinité de vies heureuses). Si l’on parie au contraire que Dieu n’existe pas, et qu’en son absence on profite au maximum du séjour terrestre, on a N chances de gagner une très bonne vie. Si l’on compare les deux possibilités, on peut constater mathématiquement l’avantage de la première option, car :

(1 chance) x (une infinité de vies heureuses) > (N chances) x (une vie heureuse)

D’un côté le gain est infini, de l’autre il est fini. Un joueur sensé doit donc parier que Dieu est, et vivre en conséquence… Mais si on ne parie pas ? C’est se conduire comme si Dieu n’existait pas, ce qui revient donc à faire le second choix. Or, on ne peut pas ne pas parier, « nous sommes embarqués » !

En réalité, Pascal propose ce pari (qui a choqué) parce qu’il est sûr que l’engagement dans la pratique religieuse, même si l’on n’a pas la foi, conduit à quitter le « divertissement » qui détournait de la dimension spirituelle ; et donc, à se « brancher » sur la « réalité » de Dieu, laquelle ne pourra que devenir de plus en plus sensible à celui qui lui ouvre son « cœur » (ce coeur qui sent Dieu).

Conclusion provisoire: faut-il chercher en gémissant ?

Fort de tout ce qu’il a « démontré », Pascal pense qu’un lecteur de bonne foi ne peut demeurer indifférent, ni à la question de l’homme ni à la question de Dieu : « Je blâme également, et ceux qui prennent le parti de louer l’homme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir ; et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant. » Encore une phrase qui a choqué ! Il faut comprendre que Pascal ne désire pas que l’on gémisse, mais sait très bien (par expérience ?) que la recherche de Dieu n’est pas de tout repos. Sa sévérité peut d’ailleurs être nuancée par la fin de la Pensée 194, où il appelle ceux qui vivent dans l’indifférence « à avoir pitié d’eux-mêmes, et à faire au moins quelques pas pour tenter s’ils ne trouveront pas de lumières. » Ces quelques pas les conduiront, pour juger en connaissance de cause, à entrer dans les considérations que se permet l'apologiste sur la supériorité de la religion chrétienne et l'éminente vocation qu'elle confère à l'être humain. "Apprenez, leur dit Pascal, que l'homme passe infiniment l'homme, et entendez de votre maître votre condition véritable que vous ignorez . Écoutez Dieu." (Pensée 434).
Il va de soi que pour laisser ses lecteurs "écouter" Dieu, Pascal alors fait silence. Et pour ne pas troubler cette méditation, je choisis de me taire à mon tour...

B. H.

mercredi 6 août 2008

Le nez de Cléopâtre


Cela devait arriver : il y a une lacune dans la nouvelle édition du Dictionnaire portatif ! On y trouve bien la référence au « nez de Cléopâtre » (dans le test des pages 702-703), mais nulle part dans le livre l’expression n’est expliquée…
Me voici pris à mon propre piège, moi qui, en réponse à notre ami « Phénix ingénu », jugeais indispensable de connaître les locutions culturelles majeures (cf. les commentaires qui suivent la Présentation 2, où je fais l’historique du Portatif).
« C’est un scandâââle ! » eût dit Georges Marchais, exigeant de l’auteur une autocritique en bonne et due forme. Non seulement en effet Pascal a érigé Cléopâtre en référence culturelle, mais Goscinny et Uderzo ne manquent pas de célébrer le « nez » de l’héroïne (dans Astérix et Cléopâtre), et je ne parle pas des nombreux films ou livres qui mettent en scène la reine d’Égypte à la beauté légendaire.

Mais venons-en aux faits. Dans la Pensée 162 (édition Brunschvicg), Pascal écrit : « Le nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. » Il veut montrer ainsi que des causes infimes peuvent avoir d’effroyables conséquences. En raison de sa beauté, due à un long nez, Cléopâtre fut en effet successivement aimée de César, puis d’Antoine. Il va de soi que l’histoire de l’empire romain eût été fort différente si, affublée d’un nez plus court (– signe de laideur à l’époque !), notre reine n’avait pas suscité l’ardeur de nos empereurs. Voilà qui illustre, selon Pascal, la vanité de l’amour et des choses de ce monde.

Depuis, faire allusion au « nez de Cléopâtre » n’est pas simplement une coquetterie d’homme cultivé, c’est une référence culturelle, dont la fonction est précisément de renvoyer, par delà les Pensées de Pascal, à un vaste débat à la fois philosophique et historique. Il eût été dommage de priver les lecteurs du Dico portatif, affamés de connaissances, de cette précieuse locution. Voilà mon oubli partiellement réparé... en attendant une prochaine réédition !

B. H.

jeudi 29 mai 2008

Des "programmes" du Bac au programme de la Vie...

En découvrant sur ce blog le mot Amour comme première illustration des notices de mon livre, notre ami « Phénix ingénu » s’étonne : « Je ne savais pas que l’amour était au programme », dit-il ! Eh bien, … moi non plus !
En fait, Phénix n’a pas tort de s’étonner, puisque la couverture du Dictionnaire portatif promet aux lecteurs les clés des notions « au programme ». Le bon étonnement, qu’il soit critique ou laudatif, est souvent l’acte premier de la pensée.
Cela me donne l’occasion de préciser les rapports qui existent entre ce que sont les « programmes » du Bac, et cet autre programme, si difficile à « préparer », que l’on nomme « la Vie ».

Quand je suis devenu enseignant, en 68, il était à la mode d’opposer l’école et la vie. Certains disaient : les cours n’ont pour objectif que d’instruire les cerveaux. D’autres estimaient qu’on n’apprend rien qui ne résulte de l’expérience, et qu’il fallait donc « faire entrer la vie à l’école », pour que les élèves prennent conscience – par l’expérimentation – d’un « savoir » qui préexistait en eux… Vaste débat ! Pour ma part, j’aurais plutôt dit qu’il fallait faire entrer l’école dans la vie pour apprendre tout le monde à penser !
En réalité, je me suis vite aperçu qu’en assistant aux cours, mes élèves ne se dépouillaient pas de leur existence personnelle ou de leurs émotions intimes comme d’un bagage qu’on laisse au vestiaire. Ce que j’avais à leur dire « intellectuellement » devait autant que possible leur « parler » existentiellement. Surtout lorsqu’il est question de la littérature, que Ionesco définit comme « ce qui empêche les hommes d’être indifférents aux hommes ». À mes yeux, le « programme » du bac, en Français (notions critiques, héritage culturel, œuvres de « grands » auteurs), devait moins les « motiver » comme programme obligé que comme « condensé de culture » susceptible d’enrichir ou de préparer leur expérience de la vie. En cela consistait mon métier d’enseignant, que j’ai justement choisi par désir de transmettre.

Mais cette idée me paraît valoir pour toutes les matières. Les programmes du bac ne sont pas une addition d’acquis provisoires, qu’on apprend par cœur en vue d’« avoir son bac », pour les oublier aussitôt après. Ils forment un ensemble d’éléments en interaction les uns avec les autres, ils constituent une culture globale qui sera, d’une part, indispensable pour réussir les études qui suivront le bac, et d’autre part, essentielle pour vivre dans toutes les dimensions de la vie : professionnelle aussi bien que citoyenne, relationnelle aussi bien que personnelle, émotionnelle aussi bien que spirituelle. Si l’on ne peut guère penser sa vie sans la vivre, on ne peut pas davantage vivre sa vie sans la penser. Les apprentissages de l’école ne remplacent pas ceux de la vie, mais ils représentent, dans tous les domaines, des gains d’expérience humaine que nous n’avons pas à refaire chaque matin. En ce qui concerne la culture que héritons de notre société, c’est-à-dire de ce que nos ancêtres ont transmis de ce qu’ils ont vécu, chacun de nous est comme un enfant qui a tout intérêt, pour voir plus loin ou plus haut, à grimper sur les épaules de son père. Et ceci, à tout âge...

Pour revenir à la question initiale (« l’Amour est-il au programme ? »), on peut remarquer qu’il l’a toujours été, que ce soit par exemple en philosophie (voyez Platon !), en littérature (voyez la « Carte du tendre » des Précieuses, la « passion » chez Racine, les jeux de l’amour chez Marivaux, etc.) ou dans les autres Arts… Il faut croire que les respectables personnes qui ont inspiré les programmes ont voulu faire réfléchir les adolescents sur l’amour avant que ceux-ci ne le « vivent » (ou pendant!), histoire peut-être de les prémunir contre certaines illusions/désillusions.
Et cet élève qui remarqua en l’an 2000 que le mot Amour manquait alors à mon Dictionnaire avait tout à fait raison. Il sentait bien que faire connaître le mot pourrait aider à en faire vivre la réalité. C’est lui d’ailleurs qui m’a inspiré la devise du Portatif : « Connaître les mots pour comprendre le monde ».

vendredi 16 mai 2008

Le mot AMOUR: comment le définir ?

Voici qu'un premier commentaire a suivi la "Présentation 2" où je retrace l'historique du dictionnaire portatif. Merci à "Tantinès" de me l'avoir adressé, et cela vaut bien que j'accède à sa demande : donner ici ma définition du mot "Amour", qui va prendre une certaine place. Le voici, tel qu'il se trouve dans le dictionnaire:

AMOUR. n. m. (longtemps féminin, cf. certains pluriels comme les amours enfantines).
1/ Sentiment amoureux, empreint de tendres rêveries ; vive attirance envers une personne que l’on voudrait toute à soi ; désir intense de ne faire qu’ un avec l’objet aimé (à quelque niveau que ce soit : physique, affectif, moral, spirituel).
2/ Mais aussi, profonde volonté de bien, qui peut aller jusqu’au sacrifice de soi, à l’égard d’un seul être (l’enfant qu’on protège, l’ami auquel on se dévoue, l’aimé(e) dont on veut le bonheur, le frère humain qui suscite la compassion), à l’égard d’une collectivité plus ou moins large (la famille, la cité, la patrie), à l’égard de l’Humanité (humanisme, philanthropie), ou d’un Être suprême (amour de Dieu, ou du prochain au nom de Dieu).

Ces définitions de l’amour, intentionnellement limitées, (n’emploie-t-on pas le mot à propos de tout ce qui plaît : choses, animaux, pratiques, spectacles, etc.) nous révèlent la complexité de la notion. Dire « je t’aime » peut aussi bien traduire le plus égoïste désir de possession qu’exprimer le plus sublime dévouement, et parfois même, dans l’amour-passion, les deux à la fois. Qu’est-ce donc, aimer ?
Le seul amour humain pose une foule de questions, que l’on considère ses degrés, sa nature ou son « mystère ».
- Ses degrés : affection, tendresse ? attirance physique, charme ineffable ? affinités profondes entre âmes soeurs ? rêve d’idylle éternelle, tendre bonheur que l’on construit, ou passion fatale et destructrice ?
- Sa nature : désir captatif, oblatif ? quête de l’amour pour l’amour, depuis les intermittences du cœur jusqu’ aux curiosités de l’érotisme ? désir du bien de l’autre ? volonté de s’aimer l’un l’autre pour mieux aimer ensemble ? amour charnel, spirituel ? amour platonique, « épuré du commerce des sens » ? simple émanation de la « libido » freudienne : objet aimé, fantasmes et sexualité ?
- Son mystère : que signifie je t’aime ? Qu’aime-t-on en l’autre : sa présence, son être, son devenir ? D’où naît le vertige de la passion ? Et cet autre vertige qu’est la compassion devant la détresse d’autrui ? Comment peuvent se joindre ces deux mystères que sont deux personnes ? L’amour serait-il plus métaphysique que physique ?

Du point de vue littéraire, l’amour est, avec la mort (et contre elle), la plus féconde des sources d’inspiration. La fascination qu’exerce la beauté, l’idéalisation de la femme, l’illumination de la rencontre, les ravages de la passion comme les élans de la ferveur amoureuse, ont été des thèmes récurrents de la poésie, du roman, du théâtre, en Occident. La littérature chante toute la gamme des états amoureux, de leur éclosion à leurs déchirures, à l’aide de champs lexicaux ou de métaphores caractéristiques (émois, troubles, transports, feux, flamme, charme, délices, blessure, plaie, langueur, mélancolie, jalousie, serments, trahison, inconstance, absence, solitude, etc.).
Voir les mots Affection, Agapes, Charité, Charme, Charnel, Compassion, Courtois, Cristallisation, Empathie, Éros, Fétichisme, Langueur, Libido, Objet (sens 3 et 4), Narcissisme, Passion, Platonique, Sublimation.
B.H.

dimanche 4 mai 2008

Présentation 2 : Historique du Portatif

Présentation 2

Cher(s) Visiteurs(s),

Comme je l’ai annoncé, je poursuis ici la présentation du Dictionnaire portatif du bachelier. Il s’agit pour moi d’expliquer ma démarche en retraçant l’historique du livre. Cet historique, je pense, répondra à un certain nombre de questions qu’on m’a posées depuis sa parution… en attendant qu’on me demande d’autres éclaircissements.

Genèse du livre. C’est en 1993 que, pour répondre à l’attente de mes élèves, j’ai formé le projet d’écrire un « dico portatif ». Il y avait alors, à l’écrit du bac français, trois sujets au choix. Le premier consistait à faire le « résumé » d’un texte en général contemporain, que suivaient des « questions de vocabulaire », puis une discussion. C’était aussi l’exercice le plus fréquemment choisi par les candidats.
Or, les « questions de vocabulaire » angoissaient les élèves qui me disaient : mais quels sont donc les mots que l’on doit connaître ? Y a-t-il quelque part une liste du vocabulaire basique sur lequel nous pouvons être interrogés ?
Par ailleurs, lorsqu’on s’entraînait à faire des résumés en cours, et indépendamment de la question de vocabulaire, je voyais bien mes étudiants buter sur de nombreux mots ou expressions qu’ils comprenaient mal. Préalablement à l’exercice du résumé, il me fallait expliquer/commenter la douzaine (ou plus) de termes mal connus, ce qui pouvait prendre vingt minutes. Pour ne pas perdre ce temps, il devenait urgent que mes élèves puissent disposer en classe d’un dictionnaire facile à consulter, recensant les mots qu’il faut connaître au niveau bac, et qui soit donc aisément transportable.
L’idée du « dictionnaire portatif » était née.
Restait à trouver l’ouvrage dont mes élèves et moi-même avions besoin.
Et comme l’ouvrage n’existait pas, je me suis dit que je devais le faire.

Ce fut un travail de deux ans environ. Il me fallut sélectionner les mots, élargir mon projet aux « mots-concepts » et aux principales locutions culturelles (voir l’Avant-Propos du dictionnaire). La première version parut enfin chez Marabout au milieu de l’année 1995, sous le titre choisi en collaboration avec mes élèves : Dictionnaire portatif du futur bachelier. Le mot portatif me plaisait d’autant plus qu’à côté de son aspect pratique, il faisait référence au Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire. Et l’ouvrage eut la chance d’être couronné, en novembre 1995, par le prix « Georges Dumézil » de l’Académie française.

Versions successives. Tout livre vivant subit les aléas de la vie. Lesquels ne sont pas forcément négatifs. Il se trouve que, les éditions Marabout ayant abandonné fin 1997 leurs collections parascolaires, je dus rechercher un autre éditeur. C’est un petit tremblement de terre pour un livre, qui risque de retourner au néant, alors même qu’il s’est écoulé à plus de vingt cinq mille exemplaires.
Mais la maison Hatier veillait (- j’y avais « piloté » le Profil sur Le Texte argumentatif -). Le temps de refaçonner l’ouvrage, de l’enrichir sans trop le charger, et celui-ci eut droit à une seconde vie à partir d’octobre 1998. Pour l’occasion, on avait ôté du titre l’adjectif « futur » (le « futur bachelier »), la majorité des lecteurs jugeant le livre encore fort utile aux bacheliers après le bac, lorsqu’ils seraient « en prépas », en « BTS » ou « en fac ».
Cette nouvelle publication fut bien entendu une joie pour l’auteur, et j’aurais pu m’en satisfaire. Mais un dictionnaire n’est jamais « achevé ». Au fil de mes lectures ou des demandes de mes amis, je voyais dans mon livre… tous ces mots qui manquaient ! Je me souviens en particulier de cet élève qui un jour me déclara : « – Monsieur, il manque un mot dans votre livre ! – Ah bon ? Et lequel ? – Le mot AMOUR , Monsieur. » J’aurais pu répondre bêtement : « Mais tout le monde sait ce que c’est ! » Ou encore, me tirer d’embarras par une réplique facile du genre : « C’est un mot tellement chargé de sens que mon dictionnaire ne serait plus portatif… » Mais voilà : le lecteur avait raison, et j’ai donc introduit cette entrée dans l’édition de 2002, avec d’ailleurs une centaine d’autres mots.

Nous voilà six ans plus tard. À la demande de l’éditeur, qui était aussi la mienne, nous venons d’opérer une refonte du Dictionnaire portatif du Bachelier. Il s’agissait d’enrichir et d’actualiser mon travail, grâce à une typographie à la fois plus resserrée et plus claire, sans l’alourdir. L’ouvrage sort dans la nouvelle collection « Les Pratiques du Bac », et sera disponible dès fin juillet. C’était l’occasion ou jamais pour moi de créer un « blog » qui soit spécifiquement consacré à ce livre, afin d’en préciser le comment et le pourquoi, d’y accueillir ceux pour qui il a été conçu, et d’écouter leurs suggestions...

À très bientôt,

B.H.

samedi 3 mai 2008

Présentation 1 : Accueil sur ce blog

Cher(s) visiteur(s),

Voici donc ouvert ce lieu d'échange, au sujet du "Dictionnaire portatif du Bachelier" que publient les éditions Hatier dans la nouvelle version "2008", que j'ai entièrement revue, actualisée et enrichie... tout en faisant en sorte qu'il demeure "portatif", que l'on puisse l'apporter en cours ou ailleurs, voire le lire tranquillement dans les transports en commun.

Ce lieu d'échange, j'ai justement choisi de le nommer "monportatif", puisque c'est à la fois le plus simple des "poteaux indicateurs" qui permettent de s'y rendre, et que l'ouvrage en question est bien "mon" portatif en même temps que le "vôtre"...

Il est vrai que "le portatif", pour moi, est beaucoup plus lourd que pour vous, compte tenu des quelques 3000 heures d'élaboration soutenue qu'il m'a demandées, depuis une douzaine d'années, au fil des rééditions. C'est ainsi que le labeur des uns peut soulager la peine des autres...

Mais c'est assez pour aujourd'hui. Je vais, dans les jours qui suivent, faire un petit historique de ce livre et préciser dans quel esprit je l'ai conçu.

B.H.