jeudi 29 mai 2008

Des "programmes" du Bac au programme de la Vie...

En découvrant sur ce blog le mot Amour comme première illustration des notices de mon livre, notre ami « Phénix ingénu » s’étonne : « Je ne savais pas que l’amour était au programme », dit-il ! Eh bien, … moi non plus !
En fait, Phénix n’a pas tort de s’étonner, puisque la couverture du Dictionnaire portatif promet aux lecteurs les clés des notions « au programme ». Le bon étonnement, qu’il soit critique ou laudatif, est souvent l’acte premier de la pensée.
Cela me donne l’occasion de préciser les rapports qui existent entre ce que sont les « programmes » du Bac, et cet autre programme, si difficile à « préparer », que l’on nomme « la Vie ».

Quand je suis devenu enseignant, en 68, il était à la mode d’opposer l’école et la vie. Certains disaient : les cours n’ont pour objectif que d’instruire les cerveaux. D’autres estimaient qu’on n’apprend rien qui ne résulte de l’expérience, et qu’il fallait donc « faire entrer la vie à l’école », pour que les élèves prennent conscience – par l’expérimentation – d’un « savoir » qui préexistait en eux… Vaste débat ! Pour ma part, j’aurais plutôt dit qu’il fallait faire entrer l’école dans la vie pour apprendre tout le monde à penser !
En réalité, je me suis vite aperçu qu’en assistant aux cours, mes élèves ne se dépouillaient pas de leur existence personnelle ou de leurs émotions intimes comme d’un bagage qu’on laisse au vestiaire. Ce que j’avais à leur dire « intellectuellement » devait autant que possible leur « parler » existentiellement. Surtout lorsqu’il est question de la littérature, que Ionesco définit comme « ce qui empêche les hommes d’être indifférents aux hommes ». À mes yeux, le « programme » du bac, en Français (notions critiques, héritage culturel, œuvres de « grands » auteurs), devait moins les « motiver » comme programme obligé que comme « condensé de culture » susceptible d’enrichir ou de préparer leur expérience de la vie. En cela consistait mon métier d’enseignant, que j’ai justement choisi par désir de transmettre.

Mais cette idée me paraît valoir pour toutes les matières. Les programmes du bac ne sont pas une addition d’acquis provisoires, qu’on apprend par cœur en vue d’« avoir son bac », pour les oublier aussitôt après. Ils forment un ensemble d’éléments en interaction les uns avec les autres, ils constituent une culture globale qui sera, d’une part, indispensable pour réussir les études qui suivront le bac, et d’autre part, essentielle pour vivre dans toutes les dimensions de la vie : professionnelle aussi bien que citoyenne, relationnelle aussi bien que personnelle, émotionnelle aussi bien que spirituelle. Si l’on ne peut guère penser sa vie sans la vivre, on ne peut pas davantage vivre sa vie sans la penser. Les apprentissages de l’école ne remplacent pas ceux de la vie, mais ils représentent, dans tous les domaines, des gains d’expérience humaine que nous n’avons pas à refaire chaque matin. En ce qui concerne la culture que héritons de notre société, c’est-à-dire de ce que nos ancêtres ont transmis de ce qu’ils ont vécu, chacun de nous est comme un enfant qui a tout intérêt, pour voir plus loin ou plus haut, à grimper sur les épaules de son père. Et ceci, à tout âge...

Pour revenir à la question initiale (« l’Amour est-il au programme ? »), on peut remarquer qu’il l’a toujours été, que ce soit par exemple en philosophie (voyez Platon !), en littérature (voyez la « Carte du tendre » des Précieuses, la « passion » chez Racine, les jeux de l’amour chez Marivaux, etc.) ou dans les autres Arts… Il faut croire que les respectables personnes qui ont inspiré les programmes ont voulu faire réfléchir les adolescents sur l’amour avant que ceux-ci ne le « vivent » (ou pendant!), histoire peut-être de les prémunir contre certaines illusions/désillusions.
Et cet élève qui remarqua en l’an 2000 que le mot Amour manquait alors à mon Dictionnaire avait tout à fait raison. Il sentait bien que faire connaître le mot pourrait aider à en faire vivre la réalité. C’est lui d’ailleurs qui m’a inspiré la devise du Portatif : « Connaître les mots pour comprendre le monde ».

vendredi 16 mai 2008

Le mot AMOUR: comment le définir ?

Voici qu'un premier commentaire a suivi la "Présentation 2" où je retrace l'historique du dictionnaire portatif. Merci à "Tantinès" de me l'avoir adressé, et cela vaut bien que j'accède à sa demande : donner ici ma définition du mot "Amour", qui va prendre une certaine place. Le voici, tel qu'il se trouve dans le dictionnaire:

AMOUR. n. m. (longtemps féminin, cf. certains pluriels comme les amours enfantines).
1/ Sentiment amoureux, empreint de tendres rêveries ; vive attirance envers une personne que l’on voudrait toute à soi ; désir intense de ne faire qu’ un avec l’objet aimé (à quelque niveau que ce soit : physique, affectif, moral, spirituel).
2/ Mais aussi, profonde volonté de bien, qui peut aller jusqu’au sacrifice de soi, à l’égard d’un seul être (l’enfant qu’on protège, l’ami auquel on se dévoue, l’aimé(e) dont on veut le bonheur, le frère humain qui suscite la compassion), à l’égard d’une collectivité plus ou moins large (la famille, la cité, la patrie), à l’égard de l’Humanité (humanisme, philanthropie), ou d’un Être suprême (amour de Dieu, ou du prochain au nom de Dieu).

Ces définitions de l’amour, intentionnellement limitées, (n’emploie-t-on pas le mot à propos de tout ce qui plaît : choses, animaux, pratiques, spectacles, etc.) nous révèlent la complexité de la notion. Dire « je t’aime » peut aussi bien traduire le plus égoïste désir de possession qu’exprimer le plus sublime dévouement, et parfois même, dans l’amour-passion, les deux à la fois. Qu’est-ce donc, aimer ?
Le seul amour humain pose une foule de questions, que l’on considère ses degrés, sa nature ou son « mystère ».
- Ses degrés : affection, tendresse ? attirance physique, charme ineffable ? affinités profondes entre âmes soeurs ? rêve d’idylle éternelle, tendre bonheur que l’on construit, ou passion fatale et destructrice ?
- Sa nature : désir captatif, oblatif ? quête de l’amour pour l’amour, depuis les intermittences du cœur jusqu’ aux curiosités de l’érotisme ? désir du bien de l’autre ? volonté de s’aimer l’un l’autre pour mieux aimer ensemble ? amour charnel, spirituel ? amour platonique, « épuré du commerce des sens » ? simple émanation de la « libido » freudienne : objet aimé, fantasmes et sexualité ?
- Son mystère : que signifie je t’aime ? Qu’aime-t-on en l’autre : sa présence, son être, son devenir ? D’où naît le vertige de la passion ? Et cet autre vertige qu’est la compassion devant la détresse d’autrui ? Comment peuvent se joindre ces deux mystères que sont deux personnes ? L’amour serait-il plus métaphysique que physique ?

Du point de vue littéraire, l’amour est, avec la mort (et contre elle), la plus féconde des sources d’inspiration. La fascination qu’exerce la beauté, l’idéalisation de la femme, l’illumination de la rencontre, les ravages de la passion comme les élans de la ferveur amoureuse, ont été des thèmes récurrents de la poésie, du roman, du théâtre, en Occident. La littérature chante toute la gamme des états amoureux, de leur éclosion à leurs déchirures, à l’aide de champs lexicaux ou de métaphores caractéristiques (émois, troubles, transports, feux, flamme, charme, délices, blessure, plaie, langueur, mélancolie, jalousie, serments, trahison, inconstance, absence, solitude, etc.).
Voir les mots Affection, Agapes, Charité, Charme, Charnel, Compassion, Courtois, Cristallisation, Empathie, Éros, Fétichisme, Langueur, Libido, Objet (sens 3 et 4), Narcissisme, Passion, Platonique, Sublimation.
B.H.

dimanche 4 mai 2008

Présentation 2 : Historique du Portatif

Présentation 2

Cher(s) Visiteurs(s),

Comme je l’ai annoncé, je poursuis ici la présentation du Dictionnaire portatif du bachelier. Il s’agit pour moi d’expliquer ma démarche en retraçant l’historique du livre. Cet historique, je pense, répondra à un certain nombre de questions qu’on m’a posées depuis sa parution… en attendant qu’on me demande d’autres éclaircissements.

Genèse du livre. C’est en 1993 que, pour répondre à l’attente de mes élèves, j’ai formé le projet d’écrire un « dico portatif ». Il y avait alors, à l’écrit du bac français, trois sujets au choix. Le premier consistait à faire le « résumé » d’un texte en général contemporain, que suivaient des « questions de vocabulaire », puis une discussion. C’était aussi l’exercice le plus fréquemment choisi par les candidats.
Or, les « questions de vocabulaire » angoissaient les élèves qui me disaient : mais quels sont donc les mots que l’on doit connaître ? Y a-t-il quelque part une liste du vocabulaire basique sur lequel nous pouvons être interrogés ?
Par ailleurs, lorsqu’on s’entraînait à faire des résumés en cours, et indépendamment de la question de vocabulaire, je voyais bien mes étudiants buter sur de nombreux mots ou expressions qu’ils comprenaient mal. Préalablement à l’exercice du résumé, il me fallait expliquer/commenter la douzaine (ou plus) de termes mal connus, ce qui pouvait prendre vingt minutes. Pour ne pas perdre ce temps, il devenait urgent que mes élèves puissent disposer en classe d’un dictionnaire facile à consulter, recensant les mots qu’il faut connaître au niveau bac, et qui soit donc aisément transportable.
L’idée du « dictionnaire portatif » était née.
Restait à trouver l’ouvrage dont mes élèves et moi-même avions besoin.
Et comme l’ouvrage n’existait pas, je me suis dit que je devais le faire.

Ce fut un travail de deux ans environ. Il me fallut sélectionner les mots, élargir mon projet aux « mots-concepts » et aux principales locutions culturelles (voir l’Avant-Propos du dictionnaire). La première version parut enfin chez Marabout au milieu de l’année 1995, sous le titre choisi en collaboration avec mes élèves : Dictionnaire portatif du futur bachelier. Le mot portatif me plaisait d’autant plus qu’à côté de son aspect pratique, il faisait référence au Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire. Et l’ouvrage eut la chance d’être couronné, en novembre 1995, par le prix « Georges Dumézil » de l’Académie française.

Versions successives. Tout livre vivant subit les aléas de la vie. Lesquels ne sont pas forcément négatifs. Il se trouve que, les éditions Marabout ayant abandonné fin 1997 leurs collections parascolaires, je dus rechercher un autre éditeur. C’est un petit tremblement de terre pour un livre, qui risque de retourner au néant, alors même qu’il s’est écoulé à plus de vingt cinq mille exemplaires.
Mais la maison Hatier veillait (- j’y avais « piloté » le Profil sur Le Texte argumentatif -). Le temps de refaçonner l’ouvrage, de l’enrichir sans trop le charger, et celui-ci eut droit à une seconde vie à partir d’octobre 1998. Pour l’occasion, on avait ôté du titre l’adjectif « futur » (le « futur bachelier »), la majorité des lecteurs jugeant le livre encore fort utile aux bacheliers après le bac, lorsqu’ils seraient « en prépas », en « BTS » ou « en fac ».
Cette nouvelle publication fut bien entendu une joie pour l’auteur, et j’aurais pu m’en satisfaire. Mais un dictionnaire n’est jamais « achevé ». Au fil de mes lectures ou des demandes de mes amis, je voyais dans mon livre… tous ces mots qui manquaient ! Je me souviens en particulier de cet élève qui un jour me déclara : « – Monsieur, il manque un mot dans votre livre ! – Ah bon ? Et lequel ? – Le mot AMOUR , Monsieur. » J’aurais pu répondre bêtement : « Mais tout le monde sait ce que c’est ! » Ou encore, me tirer d’embarras par une réplique facile du genre : « C’est un mot tellement chargé de sens que mon dictionnaire ne serait plus portatif… » Mais voilà : le lecteur avait raison, et j’ai donc introduit cette entrée dans l’édition de 2002, avec d’ailleurs une centaine d’autres mots.

Nous voilà six ans plus tard. À la demande de l’éditeur, qui était aussi la mienne, nous venons d’opérer une refonte du Dictionnaire portatif du Bachelier. Il s’agissait d’enrichir et d’actualiser mon travail, grâce à une typographie à la fois plus resserrée et plus claire, sans l’alourdir. L’ouvrage sort dans la nouvelle collection « Les Pratiques du Bac », et sera disponible dès fin juillet. C’était l’occasion ou jamais pour moi de créer un « blog » qui soit spécifiquement consacré à ce livre, afin d’en préciser le comment et le pourquoi, d’y accueillir ceux pour qui il a été conçu, et d’écouter leurs suggestions...

À très bientôt,

B.H.

samedi 3 mai 2008

Présentation 1 : Accueil sur ce blog

Cher(s) visiteur(s),

Voici donc ouvert ce lieu d'échange, au sujet du "Dictionnaire portatif du Bachelier" que publient les éditions Hatier dans la nouvelle version "2008", que j'ai entièrement revue, actualisée et enrichie... tout en faisant en sorte qu'il demeure "portatif", que l'on puisse l'apporter en cours ou ailleurs, voire le lire tranquillement dans les transports en commun.

Ce lieu d'échange, j'ai justement choisi de le nommer "monportatif", puisque c'est à la fois le plus simple des "poteaux indicateurs" qui permettent de s'y rendre, et que l'ouvrage en question est bien "mon" portatif en même temps que le "vôtre"...

Il est vrai que "le portatif", pour moi, est beaucoup plus lourd que pour vous, compte tenu des quelques 3000 heures d'élaboration soutenue qu'il m'a demandées, depuis une douzaine d'années, au fil des rééditions. C'est ainsi que le labeur des uns peut soulager la peine des autres...

Mais c'est assez pour aujourd'hui. Je vais, dans les jours qui suivent, faire un petit historique de ce livre et préciser dans quel esprit je l'ai conçu.

B.H.